Psychédélique underground

Même si les traitements aux hallucinogènes sont toujours illégaux, des cliniques plus ou moins souterraines en offrent déjà un éventail. Souvent, sans la supervision d’un médecin ou d’un psychologue.

À Montréal, le directeur d’un centre spirituel a distribué de l’ayahuasca, un breuvage interdit au Canada, lors de plusieurs cérémonies secrètes ayant fait l’objet d’une « sélection serrée » pour des raisons « de cohésion et de sécurité ».

C’est ce que rapporte l’étudiant en anthropologie Nicolas Brazeau – sans nommer l’homme ni son centre – dans le mémoire de maîtrise qu’il a déposé à l’Université de Montréal en 2011.

« Je ne veux plus faire de thérapie. C’est pour ça que j’aime l’ayahuasca. Tu es face à ton mur, tu sors ton histoire, tu la réinterprètes et l’analyses en fonction de toi. »

— Le directeur du centre, un ex-psychothérapeute

Un professeur d’université, une étudiante de l’Université du Québec à Montréal et d’autres participants ont confié au jeune anthropologue qu’ils tentaient l’expérience pour « guérir des blessures » ou comme « avenue thérapeutique, là où la biomédecine échoue ».

Certains ont affirmé que l’exercice leur donnait de la « force » et de la « confiance ». Une jeune fille s’est néanmoins montrée très déçue. « Elle considère qu’il s’agit de consommation de drogue » et « trouve que les gens ne sont pas assez critiques dans leurs pratiques spirituelles », rapporte Nicolas Brazeau.

L’organisateur a affirmé avoir fait ainsi « beaucoup d’argent » avec ses rituels (soit 400 $ par personne, par fin de semaine), avant de préciser qu’il en perd aussi beaucoup. « Le thé [hallucinogène] est très dispendieux. C’est deux, trois ou quatre mille dollars d’un coup qui part et, des fois, j’en perds quand c’est saisi à la frontière. »

Il met l’argent qui reste de côté pour se payer des formations et un avocat, « si jamais il y a des conséquences légales ».

UN PEU PARTOUT

Le Montréalais est loin d’être un cas unique. Sur le web, des groupes de discussions proposent des recettes pour soigner les migraines extrêmes avec des champignons « magiques » ou du LSD. Des entrepreneurs vendent aussi des cures de désintox à l’ibogaïne, une substance issue d’arbustes africains interdite aux États-Unis, mais pas au Mexique ni au Canada, où sont donc apparues plusieurs cliniques.

Après avoir accueilli des dizaines de personnes, l’Iboga House de Vancouver a fermé, faute de fonds. Mais Toronto a maintenant la sienne, dont le site web affiche : « La guérison n’est plus un rêve. » Même si son directeur – qui ne nous a pas rappelés – n’est pas médecin.

À ce stade, même les professionnels de la santé doivent se montrer patients. En 2011, le ministère de la Santé a autorisé un médecin de Vancouver, Gabor Maté, à utiliser l’ayahuasca pour soigner 12 autochtones, dans le cadre d’une recherche pilotée par l’Université de Victoria. Mais le Ministère a menacé de poursuivre le médecin, lorsqu’il a appris qu’il avait parallèlement offert la même substance à des centaines d’autres toxicomanes.

« On ne devrait pas refuser de considérer les effets thérapeutiques d’une drogue pour la seule raison qu’elle est illicite. »

— Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal

« Avant de proposer une drogue comme médicament, il faut en évaluer la toxicité, s’assurer que les effets positifs ne sont pas annulés par les effets négatifs – par exemple, si en traitant un trouble, on favorise la dépression », explique le professeur Fallu.

Autre danger : les guérisseurs improvisés n’affichent pas toujours la même prudence que les chercheurs universitaires, qui prennent soin d’écarter les sujets ayant une fragilité respiratoire ou cardiaque et ceux ayant des antécédents familiaux de psychose.

En 2009, en Allemagne, deux toxicomanes sont morts dans le cabinet du médecin Garri Robert, qui utilisait du LSD, de la psilocybine et du MDMA pour les rendre abstinents. Le cocktail qu’il leur avait servi contenait aussi de l’héroïne et des amphétamines.

À trop fortes doses, l’ibogaïne, qui peut avoir de puissants effets sur le rythme cardiaque, a aussi tué quelques personnes.

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